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Hôpitaux : on est à l’os…
La précarité financière de nos hôpitaux n’est plus à prouver. L’étude MAHA de Belfius l’objective un peu plus, s’il le fallait encore. Tant en 2020 qu’en 2021, les avances fédérales ont été indispensables et ont joué un rôle vital d'amortisseur pour le secteur. Mais en 2022 et 2023, c’est la crainte qui domine. D’autant que les signaux financiers reçus des autorités n’incitent pas à l’optimisme, estime UNESSA. Des mesures sont sur la table, c’est une bonne chose, mais insuffisantes par rapport aux besoins de nos hôpitaux.
La dernière étude MAHA confirme ce que « tout le monde savait » en 2021. Sans un soutien de leur financement et des mesures exceptionnelles adoptées par leurs gestionnaires (ralentissement des investissements, révision de projets de construction voire leur report, etc.), une grosse partie des hôpitaux belges voyaient leurs résultats plonger dans le rouge.
2022 et 2023, périlleuses
Les premières tendances de 2022 rassemblées par Belfius ne rassurent pas. Elles tendraient à confirmer le scénario noir que nous redoutions : potentiellement, un résultat courant négatif global pour l’ensemble du secteur au terme de cette année. Toutefois, sur base individuelle, certains hôpitaux pourraient s’en sortir mieux que d’autres.
Par ailleurs, les perspectives pour 2023 ne sont pas engageantes, à programme de soutien inchangé. Bien que justes et pertinentes, les mesures actuellement sur la table, principalement au fédéral, sont insuffisantes et insuffisamment financées car les besoins du secteur ont été sous-évalués. A terme, nous risquons une dégradation de notre système des soins de santé, et de la casse dans nos hôpitaux !
Niveau d’activités
L’étude MAHA fait le même constat qu’UNESSA, l’activité au sein de nos hôpitaux n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant Covid. L’effet sur les honoraires est mathématique. Le mécanisme de leur indexation doit impérativement être plus rapidet affectée de façon linéaire. L'accord médico-mut 2023 dédie 1% de la masse d'indexation à la revalorisation des honoraires de médecine générale. Un trou supplémentaire pour l'hôpital!
Rappelons qu’une partie des honoraires médicaux est nécessaire au financement des activités médicales des hôpitaux (et du personnel associé). Les gestionnaires ne les ‘siphonnent’ pas, mais les gèrent au mieux comme l’ensemble des rentrées financières de leurs institutions (en collaboration étroite avec le staff médical dans le cas présent). Leur objectif est de sauvegarder l’accès à des soins de qualité pour tous, sans mettre en péril leurs institutions.
Masse salariale et ressources humaines
Cette activité toujours ralentie est, en partie, explicable par le manque de personnel dans les hôpitaux. Des services restent fermés faute de collaborateurs. C’est une situation inédite. Et pour le personnel repris sur les payrolls, les indexations salariales à répétition grèvent lourdement les finances de nos institutions car les moyens indispensables ne suivent pas au même rythme pour les financer.
Parallèlement, l’attractivité des professions médicales, infirmières et paramédicales doit s’intensifier, déclare UNESSA. Des initiatives sont prises notamment en faveur des formations conduisant à ces professions. Il faut aller plus loin en consacrant les moyens nécessaires à la fidélisation du personnel en place afin de lutter contre l’hémorragie et les multi jobs.
Aides énergétiques
Les récents conclaves budgétaires ont vu les politiques des différents niveaux de pouvoir se lancer dans des annonces diverses de soutien et de financement.
Lors du dernier round de conclaves budgétaires, le fédéral a annoncé mettre 80 millions d’EUR sur la table pour soutenir les surcoûts du secteur hospitalier au premier semestre 2023. Ce montant doit être non révisable et liquidé selon une clé de répartition simple à la fois pour soutenir les efforts déjà consentis pour maîtriser la consommation et les surcoûts réellement supportés. UNESSA estime ce montant largement insuffisant notamment au vu de l’inflation structurelle touchant l’ensemble des biens et services (sur 2022, l'impact des surcoûts de la crise énergétique pour tous les hôpitaux belges est actuellement évalué à 450-500 millions d'EUR par le CFEH), et plaide pour la reconduction de cette mesure au second semestre de l'année prochaine. Les coûts de l’énergie ne vont pas subitement retrouver leurs niveaux de 2021…
Marchandisation des soins
Dans ce contexte de crise, de tensions salariales et de pénurie de moyens, il ne faut pas s’étonner que des acteurs commerciaux ou des indépendants proposent des soins et des actes médicaux. On le voit avec la multiplication de structures commerciales proposant des services de radiologie, chirurgie, analyses médicales… La concurrence avec nos hôpitaux est claire et nette, d’autant que les prix des hôpitaux sont fixés, pas ceux de ces acteurs.
De plus, ceux-ci n’investissent que dans des activités médicales rentables et proposent, en outre, des conditions salariales plus attractives que dans nos institutions. Or, un hôpital doit assumer toutes les activités de soins : rentables comme moins rentables.
Au-delà d’une marchandisation des soins, c’est une réelle médecine à deux vitesses qui se met en place. Pour UNESSA, c’est non. La commercialisation n’est pas une option. Le législateur doit agir pour réguler ces activités.
Refinancement urgent
Il y a quelques années, on s’inquiétait qu’un tiers de nos hôpitaux voient leurs comptes glisser dans le rouge… Aujourd’hui, sans mesures adaptées, c’est l’ensemble du secteur qui risque d’y plonger en 2023. Nous risquons une dégradation de notre système des soins de santé, et de la casse dans nos hôpitaux !
La réforme en cours passe à côté de l’objectif premier. Avant d’envisager de réorganiser le paysage hospitalier, il convient d’évaluer et de compenser le sous financement de façon structurelle afin de pouvoir dégager des marges suffisantes pour réinvestir en faveur de la qualité des soins et du développement de l’activité médico-soignante. Il n’est plus temps ici d’enveloppes ponctuelles pour supporter des charges exceptionnelles (et rarement couvertes à 100%). Nos hôpitaux ont besoin d’un système de financement stable, prévisible et réactif. Au vu de la conjoncture, le système actuel a atteint ses limites de même que les capacités des hôpitaux à se financer. Il est urgent d’agir, on est à l’os…