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Réseaux hospitaliers locorégionaux : où en sommes-nous ?

Aline Hotterbeex (A. H.) et Marc Van Overstraeten (M. V. O.), respectivement responsable du secteur Hôpitaux généraux et conseiller juridique au sein d'UNESSA, font le point sur le dossier du réseautage clinique entre hôpitaux. 
 
 
Où en est-on dans la constitution des réseaux hospitaliers ? 
 
M. V.  O. – Tout hôpital général devait faire partie d’un réseau clinique locorégional au 1er janvier 2020. Pour qu’il en soit ainsi, plusieurs démarches auraient dû aboutir avant fin 2019. Les négociations pour la formation des réseaux devaient avoir été menées à bien partout. Les entités fédérées compétentes devaient disposer d’une procédure d’agrément des réseaux et devaient l’avoir conduite à son terme pour chacun d’entre eux. Et, last but not least, des arrêtés d’exécution de la loi du 28 février 2019 devaient avoir été adoptés au niveau fédéral (notamment pour identifier les missions de soins locorégionales générales, locorégionales spécialisées et suprarégionales), pour préciser les tâches du médecin en chef de réseau ou pour adopter des règles relatives au conseil médical de réseau. 
 
Ces conditions n’étaient pas remplies au 1er janvier 2020. Elles ne le sont toujours pas à l’heure actuelle, même si l’on a avancé sur certains points. Le périmètre des treize réseaux flamands, des huit réseaux wallons et des trois réseaux bruxellois est connu. L’agrément des réseaux avance. Les réseaux flamands sont pour ainsi dire tous agréés, tandis que la procédure d’agrément a abouti ou est en voie d’aboutir pour plusieurs réseaux wallons. Enfin, si les arrêtés d’exécution de la loi du 28 février 2019 n’ont pas encore été adoptés, le ministre Vandenbroucke a manifesté l’intention d’aller de l’avant sur ce point. Ce chantier d’envergure, laissé en friche à cause de la pandémie, donne des signes de reprise. 
 
D’autres facteurs ont-ils joué ou jouent-ils encore dans la mise en place des réseaux ?  
 
M. V.  O. – Oui, le processus a dû intégrer des impératifs relevant d’autres législations que la loi sur les hôpitaux. 
 
Ainsi, à la mi-2020, l’Autorité belge de la concurrence a fait savoir que, selon elle, la création d’un réseau hospitalier locorégional était susceptible de constituer une concentration au sens du droit de la concurrence. Dans la foulée, elle a estimé qu’il y avait matière à suspendre la mise en œuvre des réseaux. La situation a évolué avec l’adoption, le 29 mars dernier, d’une loi excluant la constitution d’un réseau (et toute modification ultérieure de sa composition), du contrôle préalable des concentrations assuré par l’Autorité belge de la concurrence. Les fédérations hospitalières du pays ont été associées de près à l’adoption de ce texte. Dans le cadre de celui-ci, le ministre fédéral de l’Économie, Pierre-Yves Dermagne, a relevé que l’exclusion opérée aurait pour effet qu’aucune forme de collaboration ou de regroupement au sein d’un réseau existant ne pourrait être soumise à un contrôle préalable de concentration. Nous espérons ainsi qu’à l’avenir, les hôpitaux d’un réseau pourront aisément approfondir leur collaboration, ce qu’UNESSA juge positif.  
 
Cependant, la question de l’application de la TVA au sein des réseaux n’est toujours pas réglée. Dans l’état actuel des choses, certaines prestations de services réalisées entre partenaires de réseaux ou par la structure faîtière au profit des partenaires, pourraient être soumises à la TVA. Ceci est de nature à freiner l’opérationnalisation des réseaux. Le dossier a toutefois connu de récentes avancées, avec l’adoption, le 11 juillet dernier, d’une loi visant à apporter au Code de la TVA les adaptations requises. Telle qu’elle est conçue, cette loi laisse bon nombre de portes ouvertes, grâce notamment à l’intervention des fédérations hospitalières. Une circulaire doit néanmoins être adoptée dans son sillage. Il faudra s’assurer qu’elle permette l’exemption de l’ensemble des opérations effectuées au sein d’un réseau. Les fédérations du secteur travaillent en ce sens. 
 
Revenons à la gestion de la crise sanitaire… Les « réseaux » wallons, non officiels ni officialisés, ont-ils tout de même joué un rôle ? 
 
A. H. – On peut le dire, moyennant certaines nuances. Dans le cadre de la crise, ils se sont vu confier de premières missions, ceci de facto, en dehors de toute reconnaissance officielle. Ces « proto-réseaux » ont joué un rôle dans la gestion de la capacité d’accueil dans le cadre du Plan d’Urgence Hospitalier, ainsi que dans les transports et/ou les transferts interhospitaliers, consécutifs au plan de répartition des patients. Ils sont intervenus dans la gestion des stocks de médicaments et de matériel. Ils ont aussi apporté un soutien aux collectivités, aux MR(S) tout particulièrement. Cela n’a pas été toujours facile. Certains hôpitaux ont bien joué la carte réseau, d’autres moins. Ce qui se comprend : fondamentalement, un réseau, c’est une question de culture et de confiance… 
 
Le volet social est certainement aussi un enjeu important dans la création de ces réseaux  ? 
 
A. H. – Certainement. Il est exact qu’au cours des dernières années, le baromètre s’est dégradé pour le personnel hospitalier, bien que le volume d’emploi augmente chaque année. Les difficultés se cristallisent et les revendications se renforcent. Pourtant, des initiatives sont prises et des actions sont menées, mais elles sont parfois insuffisamment perçues. Cette nouvelle forme de collaboration suscite des craintes et des questionnements. Un cadre de référence est en cours d’élaboration. Nous sommes conscients que la gestion des ressources humaines au sein du réseau est une dimension importante. Le soutien et l’amélioration de l’encadrement infirmier sont des priorités. 
 
Comment seront financés les réseaux hospitaliers  ? 
 
A. H. – La thématique du financement est à l’agenda politique du ministre fédéral de la Santé. Celui-ci a d’ailleurs sollicité l’avis du Conseil fédéral des établissements hospitaliers (CFEH). Plusieurs questions se posent. Quel est le lien entre le financement d’un hôpital et celui de son réseau ? Va-t-on financer seulement le fonctionnement des organes de gestion du réseau ou fera-t-on un pas plus loin en finançant certaines missions transversales ? Comment ? À quel rythme ? Se dirige-t-on vers un budget des moyen financiers (BMF) en tout ou en partie commun ? Ces défis nous occuperont les mois et années à venir. 
 
Un mot pour conclure  ? 
 
A. H. – UNESSA s’est saisie de la thématique des réseaux depuis le départ, dès les premières annonces de la réforme du paysage hospitalier. Nous avons été actifs et proactifs, force de propositions et d’analyse à tous niveaux, pour et avec nos affiliés, en dialogue avec les autorités… Et nous continuerons dans cette voie ! 

 
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